
« Nos frangins »: le cinéma en mémoire. Rachid Bouchareb et Samir Guesmi Au Poste
A une semaine de la sortie de « Nos frangins », débat public avec l’équipe du film ! Le nouveau Bouchareb (sélection Cannes 2022, consacré à la mort, le 6 décembre 1986, des mains de la police, de Malik Oussekine et à celle, la même nuit, des mêmes mains, mais oubliée depuis, d’Abdel Benyahia, dans un bar de Pantin. Une réussite ! Avec Samir Guesmi exceptionnel. Les deux étaient avec nous pour notre première rencontre nomade pour de bon au Lieu Dit, QG des résistants de Ménilmontant !
- broadcast.id
1647- broadcast.wp_legacy_id
6924- broadcast.wp_legacy_link
- https://www.auposte.fr/nos-frangins-le-cinema-en-memoire-rachid-bouchareb-et-samir-guesmi-au-poste/
- broadcast.youtube_id
–- broadcast.peertube
{"peertube_id" => nil, "peertube_duration" => nil, "peertube_uuid" => nil, "peertube_short_uuid" => nil, "peertube_aspect_ratio" => nil, "peertube_views_count" => nil, "peertube_comments_count" => nil}- broadcast.wp_legacy_source_url
–- broadcast.page.image_url
/uploads/store/page/3599/image/2342a03b9c0cb538e58beb50ed16a98e.jpg- Série
- –
- Invité(s)
- Bouchareb Rachid, Guesmi Samir
- Durée
- Date
- 30/11/22
D'abord un brin amusés par le dispositif de l'émission, l'acteur et le metteur en scène - «on essuie les plâtres» lâche Samir -, se sont rapidement mis à parler à cœur ouvert. De la nécessité, pour l'un comme pour l'autre, de faire ce film, de rappeler, ces histoires qui ont marquées la société. Pour Rachid Bouchareb, Nos Frangins clôt sa triologie entamée avec Indigènes, puis Hors-la-loi. Pour Samir Guesmi, rendre hommage à ces invisibles des première et deuxième générations immigrées. Samir a parlé du jeu d'acteur, de ce que ça fait d'incarner quelqu'un-qui-a-existé (le père d'Abdel Benyahia) ; Rachid du choix des archives et de comment, avec deux caméras d'époque trouvées sur Le Bon Coin, il a pu restituer le grain des années 1980. Un chouette moment, souriant, chaleureux, fraternel. Le film sort mercredi 7. Courez le voir.
D'abord, un rappel des faits : Le 6 décembre 1986, Malik Oussekine, un étudiant de 22 ans, est tué par la police, à Paris, en marge d'une manifestation contre la loi Devaquet à laquelle il ne participait pas. Cette même nuit, à Pantin, non loin de là, le jeune Abdel Benyahia sépare une bagarre dans un bar et est tué à bout portant par un policier en dehors de son service, armé, et avec un taux d'alcool élevé dans le sang. La première mort éclipsera l'autre. Une affaire de crime policier médiatisé, c'est déjà beaucoup pour le pouvoir.
Rachid Bouchareb sort son premier film, Bâton rouge, un an plus tôt. Tout au long de sa carrière, il va interroger le rapport qu'entretiennent les invisibles issus de l'immigration avec leur propre histoire. "Nos frangins" peut être compris comme une suite logique de deux de ses plus grands succès, Indigènes, et Hors-la-loi. Des films qui parlent à leur manière des enjeux de mémoire trouble autour d'une population immigrée en quête de paix et d'espoir.
En 1986, Samir Guesmi avait 18 ans, il enchaînait les petits boulots. Il ne se souvient pas de ce qu'il faisait le 6 décembre. Il se rappelle seulement qu'à cette époque, "son père ne voulait pas trop qu'il sorte", un sentiment partagé par Rachid Bouchareb. Sa famille habitait pas loin de chez Abdel Benyahia, à Bobigny. Lui se souvient des événements au travers de ce qu'en disaient les journaux télévisés de l'époque. Il se rappelle de Noël Mamère sur Antenne 2 parler de cet événement tragique. Il a eu envie d'intégrer ces journaux-là dans son film pour s'en rappeler. Noël Mamère, lui, a par ailleurs vu le film et en a été très touché.
Ce film est aussi une occasion de réfléchir au rôle des archives dans une telle reconstitution historique et mémorielle. Le film varie entre scènes de reconstitution et scènes issues d'archives. Les reconstitutions, pour être fidèles à l'archive qui les ont inspirées, sont souvent tournées dans des conditions semblables à ce qu'il s'est réellement passé, tournées avec des caméras de l'époque, dont une a été achetée sur le Bon Coin. Différentes caméras filment une même scène. Beaucoup d'archives de l'époque étaient trop sales pour être mises telles quelles au montage, c'est pour cela qu'il a fallu les reproduire
A une question de glaudioman56, "ne craignez-vous pas que le mélange reconstitutions/archives implique une mise en doute d’une partie reconstituée comme si vous différenciez la réalité de la fiction ?", le réalisateur répond que non. Tout est fait pour "rester dans la réalité de ce qui aurait pu se passer ou s'est passé".
Le week-end de la mort de Malik Oussekine et Abdel Benyahia, on fêtait les 10 ans du RPR, le parti de Jacques Chirac. Tout le monde était présent : Chirac, Juppé, Pasqua... Une grande fête était organisée, et pourtant, tout le monde se sentait gêné. Car personne ne pouvait faire comme si ce qu'il s'était passé la nuit du 5 au 6 décembre était anodin. En pleine grogne sociale contre la loi Devaquet, ça ne pouvait que mettre le feu aux poudres.
"Nos frangins", c'est aussi une histoire de confrontations entre les générations.
Le père d'Abdel Benyahia et de son frère, Kader, qui était au bar de Pantin la nuit du 5 au 6 décembre, a connu Charonne, Octobre 61, le couvre-feu à Paris. Il a un rapport à l'uniforme "en méfiance" car il risque gros. Ses enfants, nés en France, n'ont pas la même histoire, pas le même rapport avec le fait de vivre en France. Quand Kader Benyahia voit comment son père se comporte, pour lui, c'est insupportable. C'est la génération de Kader qui va porter des idéaux d'émancipation.
A travers l'histoire de deux familles victimes de l'impunité policière, ce film rend compte des injustices vécues par ces familles et comment vont naitre, à partir de là, des volontés émancipatrices. Samir Guesmi le résume parfaitement : « Plus on va dans l'intime, plus on rentre dans l'universel ».
Mise à jour 7 décembre 2022
Dans une vidéo publiée le vendredi 2 décembre, la famille d'Abdel Benyahia réagissait au film en déplorant «l'absence d'accord préalable» à l'apparition de leur père dans le film. La famille dénonce la manière dont le père est peint, c'est-à-dire, comme quelqu'un qui ne dit rien face au comportement de la police alors que, selon la famille, il était présent aux manifestations qui ont suivi la mort de son fils et de Malik Oussekine.
- Rachid Bouchareb
- Samir Guesmi
- Nos frangins au ciné le 7 décembrebande annonce
- AuPoste s02-22 - 4 octobre 2021 : Massacre 17 octobre 1961 - la bataille de la mémoire avec Fabrice Riceputi auteur d'"Ici, on noya les Algériens"
- AuPoste en extérieur s02-31 - 17 octobre 2021 marche mémoire 17 octobre 1961 https://www.davduf.net/ce-dimanche-marche-commemorative-du-17-octobre
- SentierBattant: “Le cinéma est toujours politique” Lyna Khoudri nous parle du film important Nos Frangins (Vogue)
- Indigènes de Rachid Bouchareb
- Hors-la-loi de Rachid Bouchareb
- Moi, policier, j’ai tué un homme - des auteurs de bavures policières témoignent par Jimmy Saint-Louis
- La mort de Benyahia - Taxi - 12 décembre 1986