Artiaga Loïc
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Au Poste avait pris le café avec Loïc Artiaga et Matthieu Letourneux, auteurs d’une truculente histoire intitulée «Aux origines de la pop culture» où l’on apprend, entre autres, que les RG de l’époque s’intéressaient de près à l’émergence des romans de genre.
Il est de ceux qui préfèrent les marges aux cénacles, les vignettes aux volumes reliés de cuir, les feuilletons oubliés aux grandes épopées consacrées. Chez lui l’érudition ne se porte pas comme un costume, mais comme un manteau léger, qu’on enlève sans gêne pour s’asseoir à la table des histoires ordinaires. Né en 1980, dans cette France où les imaginaires populaires bruissaient encore des échos de Pif Gadget, de Zorro ou des premiers épisodes de Dallas, il a grandi avec une oreille tendue vers les récits que la culture légitime dédaignait.
Universitaire atypique, historien des cultures de masse, il a fait de l’invisible son domaine d’excellence. Il s’est penché sur les romans bon marché, les séries à l’eau de rose, les bandes dessinées d’antan et les revues qui jonchaient autrefois les étals des gares. Là où d’autres voient divertissement et futilité, lui traque les formes de sens, les traces d’un peuple qui pense, rêve, désire autrement. À rebours du canon, il explore les lieux communs non pour les dénoncer, mais pour en saisir la puissance symbolique, l’imaginaire collectif qu’ils véhiculent.
À l’Université de Limoges, où il enseigne, c'est un passeur. Non de vérités figées, mais de lectures vivantes. Sa parole, souvent ponctuée d’humour discret, mêle la rigueur de l’historien à l’affection du lecteur. Il n’a pas peur de dire qu’il aime ce qu’il étudie — c’est peut-être là son plus grand luxe. Avec Guillaume Pinson, il a coécrit une somme remarquable sur la culture médiatique du XIXe siècle, révélant combien le siècle des révolutions fut aussi celui du papier populaire, des fictions illustrées et des écrivains de l’ombre.
Il ne se limite pas aux temps anciens. Il s’intéresse aussi à la manière dont les industries culturelles fabriquent nos mythes contemporains, scrutant la télévision, les comics américains ou les plateformes numériques avec la même minutie qu’un archiviste du romanesque. À ses yeux, chaque support est une archive vivante, chaque lecteur un interprète sensible. Il ne s’agit jamais d’élitisme, mais d’intelligence partagée. Dans un monde universitaire parfois corseté, il détonne par son audace tranquille.
Il cite Roland Barthes comme il évoque Superman, analyse la presse illustrée du XIXe avec la même passion qu’un épisode de Stranger Things. Il ne hiérarchise pas, il relie. Son œuvre, patiemment tissée, participe d’une réhabilitation discrète mais profonde des récits dits mineurs, qui en réalité forment le tissu même de nos vies imaginaires.
Artiaga, est l’homme qui rend leurs lettres de noblesse aux lettres populaires. Un archéologue du divertissement, un historien du quotidien rêvé. À travers lui, les voix oubliées reprennent forme, les héros de papier retrouvent leur éclat, et la culture savante se souvient, enfin, qu’elle est fille d’un peuple lecteur.
Il a collaboré au cinéma, principalement en tant que conseiller scientifique et intervenant dans des projets audiovisuels liés à ses domaines de recherche,contribution notable dans Fantômas démasqué (2022)
Dans ce téléfilm documentaire réalisé par Dimitri Kourtchine, diffusé en 2022, il apparaît à l'écran en tant que lui-même. Il y intervient pour partager son expertise sur le personnage de Fantômas, figure emblématique du roman populaire français. Son intervention apporte un éclairage historique et culturel sur l'évolution de ce criminel imaginaire à travers les époques et les médias.
Publications
Rocky : la revanche rêvée des Blancs (2021, Amsterdam)
Aux origines de la pop culture : Le Fleuve Noir et les Presses de la Cité au cœur du transmédia à la française (1945-1990) (2022, La Découverte, avec Matthieu Letourneux)
Fantômas ! Biographie d’un criminel imaginaire (2013, Les Prairies ordinaires, avec Matthieu Letourneux)
San-Antonio International. Circulation et imaginaire d’une série policière française (2020, Presses Universitaires de Limoges, avec Dominique Jeannerod)
Le Roman populaire (1836-1960). Des premiers feuilletons aux adaptations télévisuelles (2008, Autrement)
Des torrents de papier. Catholicisme et lectures populaires au XIXe siècle (2007, Pulim)
Le Continent basket. L’Europe et le basket-ball au XXe siècle (2015, Peter Lang, avec Fabien Archambault et Gérard Bosc)