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Syrie : les enfants des camps, une honte française. Avec Marie Dosé, avocate

Syrie : les enfants des camps, une honte française. Avec Marie Dosé, avocate

Incroyable causerie : forte, profonde, émouvante. Quand raison d'Etat et nécessité humanitaire s'entrechoquent.

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Série
Invité(s)
Dosé Marie
Durée
Date
13/01/25
  • International
  • Antiterrorisme
  • Syrie
  • Saison 09

Ils ont 5 ou 6 ans, prisonniers dans des camps en Syrie. Leur tort : être nés de parents (souvent pères) accusés de terrorisme ou d’avoir servi Daesh. Avocate du collectif Familles unies, Marie Dosé se bat pour leur rapatriement. Elle a fait condamner la France par la Cour Européenne, par le Comité International des Droits de l’Enfant, par le Comité contre la Torture des États-Unis. Aujourd’hui, elle estime que la chute d’Assad offre une occasion inespérée de faire revenir ces gamins, et leurs mères. Elle nous a dit comment.

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« L'épuisement devient de la colère. »

« La loi française est celle-ci : dès l'instant où vous êtes né d'un parent français, vous êtes Français ».

Au plus fort de son activité, entre 2013 et mars 2019, l'organisation djihadiste Daech est rejointe dans les territoires qu'elle contrôle par des centaines d'hommes et de femmes venant de l'étranger. Avec leurs enfants, parfois. Et qui, pour certains, ont des enfants en Irak ou en Syrie. Plusieurs centaines de ces enfants, issus de combattants français, cinq ans après la chute du soi-disant « État Islamique », sont toujours sur place, dans des camps, abandonnés à leur sort par l'État français qui détourne le regard.

Au début de l'année 2019, quand les combattants kurdes libèrent les derniers bastions de Daech, ils font prisonnier les hommes et placent les femmes et les enfants dans des camps, les ressortissants étrangers ne pouvant qu'attendre un éventuel rapatriement dans leur pays d'origine. En France, ce rapatriement n'aura pas lieu. Annoncé en février 2019, planifié, il fuitera quelques jours trop tôt dans les médias, par l'intermédiaire de BFM TV, qui compromet la sécurité de l'opération. Puis, des sondages apparaîtront, commandés par le Figaro et Radio France : deux tiers des sondés souhaitent que les « enfants de djihadistes » restent en Syrie. Sur cette base aussi fragile que calamiteuse, les pouvoirs politiques enterreront le projet. Depuis, des opérations partielles ont été menées, incomplètes. Pendant ce temps, nous sommes en 2025, et des enfants continuent de mourir dans ces camps. Il en reste 120 français.

« Les enfants fantômes »

Face à ce silence, face à la bêtise raciste et la lâcheté des autorités, Marie Dosé poursuit le travail engagé dès 2013, à savoir le retour en France de ses ressortissants, des mères qui en font la demande, des enfants dont l'existence attend encore de pouvoir commencer. Certains enfants sont à « sauver de leurs mères » qui veulent rester. L'avocate portera à partir de 2019 le sujet devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, devant les comités de l'ONU concernés, qui finissent après un long examen par condamner la France.

Entre-temps, elle ira plusieurs fois à l'Élysée, plaider sa cause auprès de la conseillère Justice d'Emmanuel Macron, mais rien n'y fait : le « fait du prince », sans jamais le dire ouvertement, préfèrera la politique de l'autruche au rapatriement de l'équivalent de « dix classes de maternelle ». En 2019, pourtant, le discours politique était déjà rôdé : la Garde des Sceaux Nicole Belloubet énonçait que le rapatriement était le choix de la « responsabilité » - y compris d'un point de vue sécuritaire. Et qu'au niveau européen, tout était prêt pour une action commune : c'est la France, qui a le plus gros contingent dans les camps, qui a bloqué.

Le silence de la France est un silence actif. Les services de renseignements sont en relation avec les Kurdes du nord-est syrien qui prennent en charge les camps. Aux Kurdes, qui ont bien d'autres soucis que les ressortissants étrangers à gérer dans la région, des compensations sont données par l'État français. « Les Kurdes de Syrie, pour les rencontrer, en veulent beaucoup à la coalition internationale. Ils se sentent complètement abandonnés. », relate l'avocate qui, à chaque nouveau voyage dans le nord-est syrien, observe, en creux, les conséquences de ce double jeu.

Le retour en France

Plus le temps passe, et plus les problèmes se creusent, bien évidemment. Les années de camp sont dévastatrices, physiquement et mentalement, pour les mères et les enfants. Certaines mères s'enfoncent dans la radicalisation et refusent de rentrer ; d'autres, qui dans l'horreur de leurs conditions de vie sont au moins auprès de leurs enfants, ne s'imaginent pas rentrer en France et les laisser à l'aide sociale pendant qu'elles iront en prison. Marie Dosé parle d'un immense gâchis, d'un coche raté par les autorités en 2019.

Elle connaît le travail qui est fait dans les quartiers de déradicalisation des prisons françaises, qui porte ses fruits sur les femmes qui ont accepté le retour. Les enfants rapatriés ne posent pas de problèmes, des dires du Parquet anti-terroriste ; aucun ne porte en lui de graine de djihadiste - fallût-t-il le dire. Les grands-parents, qui se battent avec détermination pour le retour des leurs, n'ont pas accès au camp, ni même les parlementaires, sur ordre de la France ; les avocats, via Avocats Sans Frontières, n'ont pu y accéder qu'à de très rares reprises : dans les camps, le lien est impossible.

La question du retour des enfants dans leurs familles est complexe. Encore une fois, la non-préparation de ces retours, conjuguée au manque de moyens chronique de la protection de l'enfance dans notre pays, demande un temps considérable pour que le juge des enfants évalue la situation et se prononce. Pour l'enfant, qui n'a toujours vécu que dans un cauchemar, ce sont possiblement encore des mois, des années de ballottage d'une famille, d'un foyer à un autre, et autant de nouvelles séparations.

Mensonge(s) d'État

Nous sommes donc dans une situation où la France entretient le parquet anti-terroriste le plus répressif d'Europe, le plus outillé, tout cela pour refuser de rapatrier les personnes qu'il devrait judiciariser. Les autorités jugent préférable de laisser des ressortissants français dans des camps, des prisons en Syrie, susceptibles d'être attaquées par ce qu'il reste des combattants de Daech dans la région. Sans trouver indigne de faire peser la prise en charge de centaines de ses citoyens sur les Kurdes, eux-mêmes privés d'État, privés de territoire, privés de reconnaissance internationale après le rôle qu'ils ont joué dans le démantèlement de « l'État Islamique ».

Contre tout bon sens, contre l'avis unanime des experts du contre-terrorisme, les pouvoirs publics agitent, sur la base d'un sondage bancal qui date de 2019, une soi-disant « opinion publique » pour justifier leur inaction. Face à l'État de droit qu'elle défend ardemment, l'avocate dénonce le « populisme pénal »  - dont font preuve tous les gouvernements français depuis la présidence Sarkozy, lui-même un expert du procédé - qui consiste à « faire de la justice un outil de communication politique ». Notre actuel ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, le 29 septembre dernier dans une interview au JDD, ne s'embarasse plus de périphrases : « L’État de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré ».

Quatre questions-clé

Qu'est-ce qu'une « défense de rupture » ?

La défense de rupture est une stratégie théorisée par l'avocat Jacques Vergès, selon laquelle la défense accuse le juge de ne pas être légitime à juger l'accusé.

Qu'est-ce que « l'État Islamique » ?

« État Islamique » est le nom autoproclamé de l'organisation Daech, qui à partir du 29 juin 2014 installe un régime de terreur sur les territoires qu'elle contrôle en Syrie et en Irak. Jusqu'à sa chute en mars 2019, c'est ainsi qu'elle prétend régner sur un « califat », totalitaire et génocidaire, d'idéologie salafiste djihadiste.

Combien d'enfants français se trouvent dans les camps du nord-est syrien en 2025 ?

À la libération de la ville de Baghouz, dans le nord-est syrien, les combattants kurdes répartissent les ressortissants étrangers capturés dans les rangs de Daech dans des camps, pour les femmes et les enfants, et dans des prisons pour les combattants. Six ans après, il reste environ 120 enfants français dans ces camps, bien plus que pour n'importe quel autre pays d'Europe.

Qu'est-ce que le « populisme pénal » ?

Le « populisme pénal », tel que dénoncé par Françoise Cotta et Marie Dosé dans une tribune parue en 2007 dans Libération est un détournement de la justice à des fins politiques, que ce soit en paroles ou en faits, avec par exemple la promulgation d'une loi taillée sur mesure à la suite d'un fait divers. C'est une menace pour l'État de droit.

Sarkozy / Kadhafi: «Personne n’y comprend rien». Avec Yannick Kergoat - Au Poste, 6 janvier 2025 - https://www.auposte.fr/sarko-kadhafi-personne-ny-comprend-rien-avec-yannick-kergoat/

[Tribune] Populisme pénal - Libération, 24 août 2007 - https://www.liberation.fr/tribune/2007/08/24/populisme-penal_100417/

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