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Le bien mystérieux Pierre Lambert, parrain rouge de l'OCI

Le bien mystérieux Pierre Lambert, parrain rouge de l'OCI

Qui était vraiment celui qui se voulait « le gardien de la tradition trotskiste »? Réponse avec son biographe, François Bazin.

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Série
Boîte noire
Invité(s)
Bazin François
Durée
Date
08/01/25
  • Politique
  • Enquête
  • Journalisme
  • Saison 09

Pour ce troisième numéro de la « boîte noire », je vous propose de rencontrer François Bazin, journaliste politique depuis une quarantaine d’années, connaissant comme sa poche le petit univers des cabinets, des réseaux, des institutions de la République, et des coulisses. Après avoir bossé à La Croix, il a fait l’essentiel de sa carrière au Nouvel Observateur, notamment comme chef du service politique du magazine.Avec lui, nous parlerons de son dernier livre biographique, Le parrain rouge (éditions Plon) sur une figure essentielle de l’extrême gauche, Pierre Lambert, leader de l’OCI, chef des « lambertistes », une personnalité « longtemps restée un mystère », qui se voulait « le gardien de la tradition trotskiste ». À travers cette tranche de vie, et grâce à de multiples rencontres, François Bazin revient sur tout un pan de notre histoire politique. On va essayer de comprendre si le journaliste peut faire oeuvre de travail d’historien, apporter sa modeste pierre à l’éclairage historique.

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L’occasion également pour nous de le questionner sur sa conception du journalisme politique, son regard sur son évolution récente et passée, ses rapports avec les responsables politiques, les communicants et autres sondeurs, mais aussi les actionnaires. On l’interrogera évidemment sur l’avènement et la chute du « macronisme ». Car François Bazin est aussi l’auteur d’un livre essentiel, Le sorcier de l’Élysée, une biographie du publicitaire et communicant Jacques Pilhan qui eut une influence déterminante sur François Mitterrand. Sans compter qu’en 2022, il avait claqué la porte de l’Express après qu’une de ses chroniques consacrée à Nicolas Sarkozy a été refusée par la direction.

Marc Endeweld

« Lambert, c'est un mythe ». Un mythe qui traverse la gauche du vingtième siècle, dont le courant - le « lambertisme » - reste la trace la plus tangible que le personnage a laissée. Pierre Lambert, né Boussel en 1920, adhérent au Parti Communiste dès l'âge de 13 ans, décédé en janvier 2008 après une vie dédiée au militantisme, a suscité la curiosité de François Bazin, qui, avec les outils du journaliste et de l'historien, fabrique une biographie plus que bienvenue, comblant un vide inexplicable dans les travaux sur l'histoire de la gauche. « Il n'est jamais au centre, Lambert, mais il est toujours là ».

Apprentissage de la marginalité

Issu d'un milieu familial plus que modeste, celui qui s'appelait encore Pierre Boussel vit son enfance à Montreuil entre l'école et la rue. Presque comme une évidence, il s'imprègne de l'atmosphère de gauche qui y règne, « et la gauche à Montreuil, c'est le PC ». Rapidement, pourtant, il entre en désaccord profond avec l'abandon de l'antimilitarisme par le parti, ce qui conduit à son exclusion ; il rejoindra alors les trotskistes qui, à cette époque, œuvrent parmi les socialistes, constituant l'aile gauche révolutionnaire de la SFIO. C'est dans cet apprentissage des jeunes années que son affect de « marginalité à l'intérieur » des organisations dominantes se consolide, ce qui le suivra toute sa vie et lui vaudra sa réputation d' « entriste ».

François Bazin, qui dépouille les dossiers judiciaires de l'époque, détaille le cheminement de Lambert pendant l'Occupation, qui militait alors pour un « défaitisme révolutionnaire », se mettant à dos une partie des mouvements de gauche, dont ceux impliqués dans le Front Populaire avaient intégré dès les années 1930 une dimension patriotique dans leur logiciel, adhérant ensuite à l'Union Sacrée. Le journaliste tire le vrai du faux des histoires racontées sur le dos de Lambert ; par ailleurs, la diffusion de calomnies à son sujet, nous dit-il, est une constante dans la vie du militant qu'il aura à gérer.

Après avoir navigué dans différentes organisations - au gré des dissolutions prononcées - dans lesquelles il travaille en faveur de la Quatrième Internationale, il participe à la fondation en 1944 du Parti Communiste Internationaliste (PCI). En parallèle, il continue son parcours au sein de la CGT, qu'il a rejoint dans sa clandestinité pendant la guerre, jusqu'à ce que la tension entre son engagement trotskiste et l'obédience stalinienne du syndicat unitaire devienne trop forte. Il sera exclu en 1950.

« 1958, c'est le juin 40 de la classe ouvrière »

Dans les années 1950, Pierre Lambert se trouve au cœur des luttes intestines au PCI, où il finit par imposer sa ligne inspirée d'un trotskisme orthodoxe, en opposition à la stratégie d'entrisme dans les organisations staliniennes prônée par Michel Pablo, jusque là secrétaire de la IVe Internationale. L'antagonisme entre le lambertisme et le pablisme sera d'ailleurs un pivot au sein du trotskisme pendant plusieurs décennies, avant que les scissions et réunifications successives rendent peu à peu cette grille de lecture caduque.

À l'avènement de la Ve République en 1958, Lambert craint par-dessus tout le projet gaulliste d'association du capital et du travail, y voyant le risque d'un affaiblissement définitif du syndicalisme. Il pousse dans ce sens avec ses camarades présents au sein de Force Ouvrière (FO) - issu d'une scission de la CGT en 1947 - qui, en tant que syndicat pluraliste, offre l'espace pour héberger ce courant. FO finit par se positionner sur cette ligne, et Pierre Lambert adhère au syndicat en 1961.

Lambert, anti-moderne ?

Peut-être à cause de sa jeunesse passée dans une ambiance socialiste traditionaliste, Lambert vit mal le tournant des années 1960, et peine à comprendre les évolutions du champ social de cette décennie. Trotskiste orthodoxe, il s'arque-boute sur l'idée que « les forces productives ont cessé de croître ». Le 10 mai 1968, il se tient à distance de ce qu'il voit comme un mouvement de petits-bourgeois, de « gauchistes dégénérés » ; en revanche, les lambertistes contribuent, quelques jours plus tard, à déclencher la grève générale, partie de Sud-Aviation à Nantes. Bazin estime que Lambert, qui refuse la « pensée '68 », considérant qu'elle va à l'encontre des intérêts de la classe ouvrière, est à la fois « à contre-temps » et « anticipateur » d'un courant qui existe à gauche aujourd'hui.

Le soutien apporté à Mitterand n'intervient pas tout de suite, mais il intervient. Cette alliance contre-nature, entre un Lambert fortement engagé sur la question décoloniale et un Mitterand notoirement trempé dans le processus colonial en Algérie, devient possible seulement quand le futur visage du Programme Commun devient dirigeant d'un parti ouvrier, la SFIO devenue PS à la même occasion - le congrès d'Épinay de 1971.

Le mystère et la stratégie

Entre le PS et les lambertistes, c'est une relation d'entraide mutuelle, mais aussi de saine distance, pragmatique : si l'heure est à l'unité de la gauche et à la convergence des intérêts, les divergences idéologiques restent présentes à l'esprit.

À cette même époque, un jeune énarque vient grossir les rangs des militants lambertistes, pas habitué à un tel profil. Pierre Lambert y voit une opportunité d'infiltrer les sphères socialistes plus établies, et le fait entrer au parti en 1972. Un an plus tard, avec plus de succès qu'espéré, peut-être trop, Lionel Jospin entre au comité directeur du Parti Socialiste.

L'entrisme, les lambertistes le pratiquent aussi plus directement, comme toutes les organisations trostkistes, avec plus ou moins de succès, auprès la FO, de la Ligue des Droits de l'Homme, ainsi que dans des organisations à l'international, en Israël, au Portugal dans le PSOE de Mário Soares.

C'est peut-être là où l'ouvrage de François Bazin est le plus passionnant : même pour celles et ceux qui connaissent bien l'histoire de la gauche, qui l'auraient peut-être connu personnellement, il y aura toujours quelque chose à apprendre. Grâce à un travail minutieux d'épluchage des archives, le journaliste donne à voir un large tableau des relations que Lambert et les lambertistes nouent avec les différentes organisations autour d'eux. C'est aussi une histoire par l'anecdote, qui explique parfois beaucoup mieux qu'un discours théorique certaines orientations ou choix stratégiques, certaines évolutions du mouvement qui a finalement existé beaucoup plus fortement à travers la personnalité de ses militants qu'à travers un dogme politique. Comme ce dîner à l'Élysée en 1995 où Jacques Chirac tout juste élu reçoit trois lambertistes dont Lambert lui-même, les promesses non tenues, la fuite orchestrée de l'information dans les médias. Ou encore, le parcours d'un certain Jean-Luc Mélenchon, représentatif de ces têtes connues qui passent chez les lambertistes, qui s'en éloignent, qui font carrière dans d'autres familles de gauche, mais qui gardent en elles, discrètement, une trace, un fragment de l'héritage laissé par l'insaisissable militant.

Front Populaire: 1936 vs 2024 avec Manessis & Salmon, historiens - Au Poste, 17 juin 2024 - https://www.auposte.fr/frontpopulaire-1936-vs-2024-manessis-salmon-historiens-auposte-fr-media-libre/

Trois questions-clé

Qu'est-ce que le trotskisme ?

Le trotskisme peut être défini positivement comme un ensemble de courants marxistes qui s'inspire des idées et des prises de positions de Léon Trotski. C'est un terme qui a d'abord été utilisé comme un anathème de la part des partisans de Staline envers Trotski et ses partisans, puis récupéré par ses derniers comme un marqueur de la défiance envers la « bureaucratisation à la stalinienne », la confiscation du débat par une hiérarchie. À partir de 1938, le trotskisme s'articule au sein de la IVe Internationale, scission proclamée par Léon Trotski lui-même de la IIIe Internationale.

Qu'est-ce que l'entrisme ?

L'entrisme est une stratégie militante visant à déstabiliser ou influencer une organisation politique adversaire ou ennemie, ou bien des institutions étatiques. Elle consiste à faire entrer un ou plusieurs partisans au sein de l'organisation visée, pour qu'ils puissent produire des renseignements depuis l'intérieur, dans le meilleur des cas, participer aux processus de décision, voire même prendre la tête de l'organisation.

Qu'est-ce que la IVe Internationale ?

La IVe Internationale est une organisation fondée par Léon Trotski en France en 1938, autour de ses partisans exclus de la IIIe Internationale dominée par Staline et ses idées. Elle connaîtra un destin international et subsiste encore, après des décennies de scissions et réunifications, sous la forme d'une multitude d'organisations aux formes et aux statuts très divers, partout dans le monde. En France, parmi les organisations qui se revendiquent de la IVe Internationale, on retrouve entre autres le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Lutte Ouvrière (LO), le Parti des Travailleurs (PT, ex-POID), quoique chacun inscrit dans des tendances diverses. Nombre de partis de gauche et d'extrême-gauche comprennent en leur sein un ou plusieurs courants trotskistes.

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