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A Bordeaux, le procès d'une révolte contre les pubs géantes

A Bordeaux, le procès d'une révolte contre les pubs géantes

Les faits s'étalent de novembre 2019 à février 2020. Le 9 mai, Alexandre Mahfoudhi, militant d’Extinction Rébellion, sera jugé en correctionnelle avec son coaccusé au tribunal judiciaire de Bordeaux pour la dégradation d’affiches géantes étalées sur la Chambre du commerce et de l’industrie de Bordeaux, alors en travaux. Six faits sont retenus contre eux. La société d’affichage Light Air et la CCI réclament 94 000 euros de dommages et intérêts. Le militant revendique son geste et voit dans le procès l’occasion de faire porter sa voix.

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Série
Durée
Date
07/05/25
  • Bordeaux
  • Gilets Jaunes

Il grimpe, découpe et désaffiche. Et bientôt, il comparaît. Alexandre Mahfoudhi est un militant écolo – de ceux qui sont fatigués de la passivité des tweets et autres discours qui n’engagent pas ou si peu. Un gars de la ZAD, du squat, qui revendique brandir des drapeaux XR, perché en haut de la pyramide du Louvre.

Alors quand sont arrivés les gilets jaunes, il était de ceux-là. Voir d’immenses affiches s’étaler en travers du bâtiment historique de la CCI à la vue de tous lui a été insupportable. Le « clown triste », comme il se décrit, a décidé d’utiliser avec un collègue son mode d’action favori : désafficher l’immondice ou la détourner. « Eux manifestaient en bas, nous en haut », explique-t-il. Il revendique son geste comme étant l’usage de sa liberté d’expression. Résultat : un procès pour « dégradation », à la demande de la société Light Air (spécialiste de la pub géante) et de la Chambre de commerce et d’industrie.

Eux, les spécialistes de la pub et la CCI réunis, évoquent des dommages et intérêts en raison de la perte de revenus jugés à 94 000 euros, rien que ça. « Il y a un annonceur qui paye pour être présent. Si vous détruisez ce pourquoi il a payé, il se retourne vers vous en disant : je ne paie pas », explique la CCI, contactée. En plus du client mécontent, l'institution explique le montant par des frais de main d’œuvre élevés.

Pour Alexandre Mahfoudhi, il s'agît ni plus ni moins d'une procédure-baîllon. Par ailleurs, aucun document justificatif n'avait été porté à la connaissance de Vincent Brengarth et de Sylvain Galinat, avocats du prévenu.

Une action politique sous forme d'art

Mais pour lui, sa publicité, c’est le procès lui-même. Au départ, c’était pourtant une habitude: décrocher, sans abîmer. Un coup de grimpe, une découpe propre sur l’élastique, et basta: « À chaque fois, on faisait attention à ne pas dégrader l’affiche parce qu’on ne voulait pas qu’ils aient de prétexte pour nous poursuivre ». Sauf que lors de sa dernière ascension, le système de sécurité s’est durci : alarme, barbelés, caméras et un câble d’acier pour maintenir le tout en place.

Avec cette coupe, il sait qu’il passe du geste discret à un acte signifiant. Mais il ne s’agit toujours que d’une affiche et le militant décide d’assumer l’acte politique. Loin de se dédouaner, il revendique, parle d’art, d’esthétique et de son combat symbolique contre la pub « qui rend malade les gens du besoin de consommer ». C’est lui contre les affiches géantes qui colonisent l’espace public, qui saturent les rues et les regards et qui transforment les monuments en panneaux. Il appelle ça l’art-vertising. Pour lui, quand il éborgne symboliquement la photo de Brad Pitt sur la pub, c’est là que commence son action politique : dans la réappropriation, la perturbation et le détournement.

Une stratégie assumée pour donner de la voix

« J’étais à l’initiative, je l’ai fait plus d’une dizaine de fois ». Alexandre assume tout et souhaite s’emparer du procès comme d’une tribune, d'un porte-voix. Le militant soutient même qu’il aurait préféré se désigner lui-même comme responsable avant que la justice ne s’en empare. Il aurait paraphé son geste à l’image d’une performance: « Je me serais dénoncé tout seul. C’est dommage, je perds cet effet-là. »

Il déplore que d’autres de ses actions soient passées inaperçues: avant, il se contentait de désafficher en prenant soin de ne pas dégrader, ne détournait ni ne remplaçait par une banderole. Rien qui ne fasse suffisamment de bruit, alors même qu’il prévenait les médias de ses actes. Pour que le geste porte, il a décidé de porter le coup de cutter dans l’affiche.

Les attentes du procès

Pour les dommages et intérêts de l’action du militant d’Extinction Rébellion, Light Air et la Chambre du commerce et de l’industrie de Bordeaux lui réclament 94 000 euros. Lui, hallucine et dénonce une inversion des priorités: pour Alexandre, ceux qu’il faut poursuivre, ce sont les riches compagnies qui peuvent se payer de tels espaces publicitaires et qui s’en mettent plein les poches : « C’est honteux de faire de la publicité pour ces entreprises ».

Lui voit dans le terme de « dégradation » une tentative de dépolitiser son geste. «  Les sujets dont devrait s’occuper la justice, ce sont les criminels environnementaux », ajoute-t-il. Aussi, le militant de longue date reste réaliste. Son souhait, que la CCI ait au moins un peu honte de ce genre d’affiches qui n’ont pas grand-chose à voir avec la promotion d’entreprises de la région.  Et si ce procès ne sert qu’à ça — créer du débat, interroger les évidences — pour lui, ce sera déjà ça.

La société d’affichage Light Air n'a pas répondu aux sollicitations d'Au Poste.

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